Abstract: Le mémoire de licence de l’auteur prend pour objet un phénomène qui préoccupe chaque jour davantage les acteurs des politiques sociales : le non-recours aux droits sociaux d’une certaine partie des ayant-droit. Plus particulièrement, la présente recherche concentre ses attentions sur le cas des femmes qui choisissent de ne pas recourir à l’assurance-chômage. Dans un contexte où l’assurance-chômage constitue un enjeu tant collectif au plan des politiques sociales, qu’individuel en tant que maintien des liens avec le monde du travail (par les stages et activités d’insertion qui y sont souvent liées), pourquoi ne pas faire valoir ses droits à celle-ci? Evitant les réponses simplificatrices en termes de déficit d’information ou de lourdeurs administratives, ce travail propose une entrée originale : le non-recours à l’assurance-chômage procède, pour les femmes, du statut même de l’emploi féminin, de la représentation sociale qui en existe et qu’en ont intériorisé ces femmes. Ce qui devient déterminant pour l’analyse dès lors, ce n’est pas tant la position par rapport à l’assurance-chômage que celle du rapport à l’emploi. Mais, en s’engageant dans une telle voie, la recherche encourait le risque fort grand de tomber dans les ornières idéologiques et de renvoyer l’explication sur le dos de la société, notamment de la domination et de l’exploitation masculine dans celle-ci. Fort heureusement, tel n’est pas le cas. L’auteur souligne d’entrée que l’analyse doit prendre en compte le fait qu’il s’agit d’un choix, que le non-recours est exprimé en ces termes, et qu’il serait réducteur en même temps que fallacieux de réduire cela à une illusion procédant d’un masquage idéologique des acteurs à leur propre situation. Au contraire, il convient d’embrasser simultanément dans l’analyse, d’une part, le poids social s’exerçant sur le rapport féminin à l’emploi et, d’autre part, l’expérience subjective du choix du non-recours. Tel est le pari audacieux, mais en bonne partie réussi, sur lequel repose la présente recherche. Après une introduction dans laquelle l’auteur présente son objet d’étude et expose sa perspective d’investigation, une première partie propose une analyse critique, en insistant sur la force du contexte social, du rapport que ces femmes entretiennent à l’égard de l’emploi, plus particulièrement sur le système de justification de leur besoin ambivalent de travailler, et, parallèlement, sur leur non-mérite au chômage. Une deuxième partie vise à mettre en évidence le fait que, paradoxalement, ce choix contraint représente une modalité d’autonomisation par rapport aux normes et valeurs sociales, et constitue une occasion de se construire comme acteur de sa vie, une forme d’émancipation aussi épanouissante qu’inattendue. En conclusion sont repris les principaux enseignements de cette recherche et il est fait retour sur les questions soulevées par les résultats paradoxaux obtenus avant d’ouvrir à de nouvelles interrogations sur le statut de l’emploi dans la société contemporaine et sur l’idée de son partage.